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Médiation

La médiation : institutions, processus, dispositifs, pratiques, discours

Il est notable que dans le champ de la recherche en Sciences de la communication, le concept de médiation a aujourd’hui dépassé le stade de l’émergence pour s’imposer comme l’un de ceux qui déterminent ou orientent un très grand nombre de recherches. Il tend par ailleurs à investir l’espace public pour désigner un ensemble de pratiques, tant dans le domaine culturel que social ou juridique. Ce double constat du glissement de l’omniprésente « communication » des années ’80 à une non moins insistante « médiation », mérite d’être interrogé à la fois dans ses enjeux politiques et dans les implications purement conceptuelles qui lui sont liées.

Si le terme « médiation » tend en effet à remplacer celui de « communication », c’est qu’il s’agit de mettre l’accent sur la dimension sociale plutôt que sur la dimension technique de l’interaction, sur le lien plus que sur la seule transmission d’informations. Or la question du lien est aujourd’hui prégnante dans toute interrogation politique sur le social et le recours au terme médiation, les demandes de médiation, semblent bien désigner en creux l’échec du politique à créer les conditions et les règles du vivre-ensemble, échec auquel la culture, au sens large, et en particulier l’art, est aujourd’hui réputée capable de remédier. L’apparente contradiction entre la position du chercheur (pour qui la médiation représente une forme d’imprévisibilité) et la position du politique (pour qui la médiation doit être efficace) montre qu’il est nécessaire d’articuler ensemble une réflexion théorique sur le concept même de médiation, une analyse des institutions et une étude des œuvres et des pratiques.

Certaines des recherches ici concernées s’inscrivent dans le cadre des travaux portant sur le rapport entre esthétique et politique ; centrées sur les sujets, elles ont pour objet la relation que le sujet entretient avec un « produit médiatique » donné (œuvre, texte, émission télévisée, blog, etc.), et la manière dont cette production va l’inscrire dans un espace public. Au-delà, il peut s’agir également d’étudier le mode de relations entre des « sujets » appartenant à des ensembles culturels distincts, voire radicalement autres, comme peut l’être par exemple la relation entre humains et animaux.

De ce point de vue, la narration peut constituer une première porte d’entrée, tant pour l’examen des œuvres, des textes et des discours que pour une approche de la pluralité culturelle. Si en effet les récits et les narrations sont, au sens de De Certeau, l’une des formes que prend dans nos sociétés « récitées » l’appropriation culturelle, et par conséquent l’un des lieux d’articulation de la pluralité, la narration constitue bien, comme le souligne Ricoeur, une forme de médiation en acte, où se jouent les identités. Que ce soit donc à travers la méthode ethnographique du récit de vie ou comme forme achevée rendant compte d’un vécu, par exemple dans les blogs ou les reportages journalistiques, la narration est bien l’une des formes privilégiées à travers lesquelles peuvent s’appréhender les processus de médiations.

D’autres travaux, prenant pour objets les institutions culturelles, s’attachent aux enjeux politiques, économiques et sociaux de la diffusion de productions culturelles au sens large (y compris les discours médiatiques). Par une mise en relation entre les discours produits, les structures sociales et les agents qui les incarnent, ces travaux s’attachent à décrire d’un double point de vue historique et organisationnel l’ensemble des déterminants (économiques, politiques, techniques, imaginaires) qui contraignent la production culturelle.

Un ensemble de recherches, enfin, portent sur les pratiques associées explicitement ou implicitement à la notion de « médiation », qu’il s’agisse du domaine des pratiques culturelles, journalistiques, médicales, juridiques, en milieu scolaire, etc. Cette ligne de recherche emprunte ses cadres théoriques et méthodologiques à la sociologie pragmatique ainsi qu’à la sociologie des professions ou à l’ethnographie, mais aussi aux SIC qui, en examinant les actions sociales selon une perspective autre que celle dans laquelle elles se conçoivent, offrent les modèles théoriques adéquats à l’étude des dispositifs et de leurs enjeux.