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Les « Nouveaux Réactionnaires »

Le début de ce siècle a été marqué en France par l’émergence d’un courant de pensée porté par une nébuleuse d’acteurs médiatiques et d’intellectuels que l’on rassemble d’ordinaire sous l’étiquette, à interroger elle-même, des « Nouveaux Réactionnaires » (Pascal Bruckner, Alain Finkielkraut, Alexandre Adler, Élisabeth Lévy, Philippe Muray, Jean Clair, Éric Zemmour, Michel Houellebecq, Jean-Claude Michéa, Régis Debray, Ivan Rioufol, Renaud Camus, Robert Ménard, Anne-Marie Le Pourhiet, Pierre-André Taguieff, etc.).

Journalistes, romanciers, juristes, chroniqueurs, philosophes, essayistes, hérauts d’une « liberté d’expression » reconquise sur le « politiquement correct », la « gauche morale », la « bienpensance » ou encore la « pensée unique », ils forment une sorte de personnage générique fait de singularités apparemment en rupture avec toute assignation sociologique comme avec toute inscription historique au-delà de la « tradition » ou des « grandes valeurs » dont ils se donnent pour les garants nostalgiques (l’Ecole, la République, la Nation, l’Identité, etc.). Si la plupart se situent du côté d’une droite « décomplexée » mixant légitimisme et césarisme, certains d’entre eux se veulent proches d’une gauche assez hybride elle aussi, dans laquelle se rejoindraient fermeté et ferveur républicaines, nostalgie communiste et souci d’égalité réelle, valeurs socialistes et mots d’ordre néo-orwelliens. Sur fond général de transgression conservatrice, ces personnalités revendiquent volontiers leur marginalité et leur minorité au sein d’un espace public où elles sont en réalité très présentes et dans lequel, fortes de leur ubiquité et d’une parole ajustée aux nouvelles conditions médiatiques et éditoriales, elles parviennent à introduire, au nom d’une majorité silencieuse supposée, des thèmes et des débats pouvant en certains cas alimenter tantôt des « affaires », telles que l’affaire Dieudonné ou l’affaire Taddéi, tantôt un mouvement idéologique tel que le « Printemps français ». Dès 1986, Guy Hocquenghem, dans sa Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, avait signalé la conversion de quelques-unes des figures contestataires de Mai 68 à l’ordre économique et politique dominant (avec les positions de pouvoir que cette conversion leur permettait d’occuper).

Moins de vingt ans plus tard, Daniel Lindenberg signait sous le titre incisif Le rappel à l’ordre une « enquête sur les nouveaux réactionnaires », qu’il baptisait de la sorte pour l’occasion. Publié en 2004 au Seuil dans « La République des idées » — une des collections de petit format qui se sont multipliées dans la même période et qui auront peut-être été l’un des vecteurs de formation de cette nouvelle parole pamphlétaire —, l’ouvrage participait cependant, en raison de sa fibre polémique, à l’espace discursif et thématique qu’il entendait cartographier. Ces « Nouveaux Réactionnaires » ont donné lieu dans la foulée à une abondante production à caractère essayistique, de qualité très inégale, et tout aussi bien à des plaidoyers pro domo publiés par les personnalités incriminées elles-mêmes. La limite de pareils ouvrages ne tient pas seulement à leur dimension de réquisitoires ou d’apologies ; elle tient surtout au fait que leurs auteurs y condensent leur propre engagement dans les luttes symboliques inhérentes au champ auquel ils sont censés appartenir, de façon plus ou moins vérifiée, et plus généralement aux champs en intersection croissante entre lesquels la plupart d’entre eux circulent. Le projet du colloque est de reprendre cette enquête à nouveaux frais sous trois axes

  • d’une histoire à plus ou moins longue portée
  • d’une sociographie des acteurs concernés, doublée d’une description morphologique de leur(s) espace(s) d’intervention
  • d’une sociocritique des discours allant des arguments et lieux communs mobilisés aux postures et gestuelles manifestées

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Le colloque s’inscrit dans la perspective d’un ouvrage collectif élaboré à partir des versions écrites des communications. Les textes seront à remettre aux directeurs du volume, Pascal Durand et Sarah Sindaco, pour le 1er février 2015 au plus tard, en vue d’une parution courant 2015.